Antinomies

 

                 L’Antinomie au cours d’une vie, sera omniprésente : Tour à tour un moment de réflexion passager, de ruminations sans fin, ou même de paralysie totale de la pensée, et de l’action.

               L’antinomie c’est hésiter face aux choix multiples qui se présentent à nous tout au long de l’existence. Devant différentes options, nous voyons le côté face, puis son contraire le côté pile, mais aussi les multiples alternatives. L’ambivalent ne va pas pouvoir déterminer ce qui sera le mieux pour lui. Une sorte d’impossibilité à décider dans le pire des cas, ou le doute, qui selon Aristote, est le commencement de la sagesse. Douter c’est éviter les vérités faciles, les certitudes, admettre que finalement on ne sait pas grand-chose du monde qui nous entoure, les sens sont faillibles, la science repose sur des lois qui peuvent finalement se révéler fausses. Pourtant, il nous faudra bien faire des choix, tracer notre chemin, et pour le sceptique, ce sera toujours un dilemme.

                L’ignorance peut faire douter, mais la connaissance aussi. Pour avancer dans la vie, il faudra raisonner, et suivre son instinct, certains ont du flair, d’autres moins, mais c’est peut-être aussi savoir faire une synthèse rapide de plusieurs éléments contradictoires et trouver la solution en prenant le moins de risques possible de se tromper.

                Ces forces contraires me font penser à une corde tirée des deux côtés par une ou plusieurs personnes. Si les énergies sont égales, le résultat sera un blocage total et c’est le cas des malades schizophrènes qui sont dans l’impossibilité de choisir, et qui vont trouver des arguments tout aussi valables dans un sens et dans l’autre : ‘L’ambivalence selon Bleuler ».

                Rire ou pleurer, en même temps : Dans « Pantagruel » de François Rabelais, Gargantua ne sait plus s’il doit rire ou pleurer, à la naissance de son fils Pantagruel, sa femme étant morte en couche. « ...Ha ! pauvre Pantagruel, tu as perdu ta bonne mère, ta douce nourrice, ta dame très aimée ! Ha, fausse mort, tant tu m'es malivole, tant tu m'es outrageuse, de me tollir celle à laquelle immortalité appartenait de droit !...»
   Et, ce disant, pleurait comme une vache; mais tout soudain riait comme un veau, quand Pantagruel lui venait en mémoire... »
. En littérature Dostoïevski, avec son roman « Le Double » évoque la dualité, ainsi que « L'étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr.Hyde " de Stevenson, et ces œuvres rappellent qu’il vaut mieux avoir en soi cette dualité plutôt que d’avoir les deux personnages doubles mais opposés, séparément.

                L’intuition, ce regard intérieur, qui va trouver aussitôt la solution à nos dilemmes : S’engager, prendre parti, être acteur de sa vie, plutôt que de rester dans le flou par crainte de se perdre.

                Depuis cette année 2020, quand la pandémie due au Covid nous a fait nous enfermer, et regarder les infos, parfois non-stop, afin de connaître l’évolution de la maladie, chez nous et ailleurs, sans arrêt nous fumes confrontés à une multitude d’experts, médecins, chercheurs, épidémiologistes, qui chacun, avait un avis, souvent opposé à un autre confrère, intervenant sur une autre chaîne : Ce fut la cacophonie générale, et ce ne fut pas aisé de s’y retrouver. Sans parler des complotistes, systématiquement contre, mais je me dis que peut-être, ils avaient des circonstances atténuantes.

                Après le Covid, ce fut la guerre en Ukraine, et là aussi notre jugement fut une mise à l’épreuve. Parce qu’ aussi bien le Covid que la guerre, auraient eu besoin d’un certain recul pour juger de certains faits, d’enquêtes, même, mais avec cette information immédiate, et les réseaux sociaux, tout est dans l’instant, tous les avis divergents nous arrivent en même temps, et chacun essaie de trouver une cohérence, une vérité, ce qui n’est pas possible.

                Cette vérité, que chacun d’entre nous espérons trouver, nous devons tenter de la saisir avec beaucoup de prudence, garder notre liberté de penser, mais faire attention aussi à nos ressentis, trompeurs parfois. Finalement, le Temps sera le filtre de ce trop plein de contradictions, le Temps qui remettra les choses à la bonne place. La complexité vient que nous n’avons jamais ce Temps, et que souvent, il nous faut décider dans l’instant, sans bénéficier de cette distance nécessaire à une prise de décision intuitive plus juste.

10 mai 2022