L'Envie

 

          Ça a commencé avec la pomme. La pomme, ce fruit interdit selon la Bible dans le livre de la Genèse, est devenu le symbole de l'envie, pas de la jalousie, mais de l'envie :  La jalousie est une souffrance plus noble, elle est la peur de perdre ce qui nous appartient, ou qui on aime. En revanche, l'envie est le désir de ce que possède l'autre, ou de prendre ce qui est interdit.

 

           L'envie est le défaut majeur : C'est l'envie qui entraîne le plus souvent les plus grandes bassesses et provoque des tragédies. Le goût du pouvoir, du luxe, de "l'avoir" rend l'homme pathétique et malheureux. Seul, sur une île déserte, confronté qu'à soi-même, nous n'aurions pas le besoin de paraître, de faire semblant, de jouer un rôle. Nous serions obligés d'être créatifs pour survivre, sans compter sur l'autre. Dès que nous sommes deux, la comédie humaine se met en marche, et se réveille l'ego. L'esprit d'émulation est pourtant positif, copier pour apprendre n'est pas de la jalousie, encore moins de l'envie, c'est un parcours d'apprentissage riche et bénéfique, tant qu'il est le chemin pour s'améliorer et non le désir d'écraser l'autre et de l'humilier.

 

         Subir l'envie, que l'on nomme souvent jalousie par erreur, est blessant, c'est un sentiment de rejet de soi, de mise à l'écart parfois, car la personne envieuse est capable du pire pour obtenir ce qu'elle veut : Dévaloriser, discréditer, calomnier, afin de prendre un peu de la lumière de l'autre, cette lumière qu'elle devrait plutôt rechercher en elle, au lieu de vouloir annihiler celle de la personne honnie. Mais finalement quand nous comprenons ce qui se passe, et avons pris conscience de cette malveillance, c'est le moment de prendre de la distance, ces personnes étant très dangereuses, néfastes, sans empathie, comme certains pervers narcissiques. À l'opposé, ressentir soi-même l'envie, et je ne parle pas là du simple désir, doit être fortement déstabilisant, comme une remise en cause de nos valeurs. En ce qui me concerne, j'imagine que je le vivrais ainsi, car j'abhorre ce sentiment, je ne l'ai jamais ressenti mais j'ai pu observer ailleurs le processus à l'oeuvre. 

 

         Parmi les sept péchés capitaux, l'envie est celui qui rend malheureux. L'avarice, la paresse, la gourmandise, l'orgueil et la luxure contentent celui qui les ressent, la colère est un débordement nerveux du corps et de l'esprit, bénéfique ou maléfique, mais qui est transitoire, tandis que l'envie consume, ronge et détruit. L'envie est un moteur monstrueux qui peut  transmettre une énergie extraordinaire. Nos journaux, régulièrement, nous racontent des faits divers effroyables, qui ont leur origine dans cette envie destructrice de l'autre. L'autre, celui qui a plus, qui sait plus,  qui est plus. Ou du moins c'est ce que croit l'envieux, au lieu de le voir comme un modèle, il le voit comme un ennemi qui, pense-t-il, l'humilie, lui fait de l'ombre. Il n'aura de cesse de vouloir lui faire du mal, l'avilir, et parfois, l'éliminer. Les affaires Grégory, Flactif, Troadec, sont des crimes motivés par l'envie. "L'envie silencieuse croît dans le silence" disait Nietzche.

 

        Je me suis demandé si l'animal pouvait ressentir la jalousie, et je dirais qu'en effet, ce sentiment de souffrance, celui de perdre un peu d'attentions, un peu d'amour, certains animaux, surtout les domestiqués, peuvent être tristes et désemparés dans certaines circonstances, connaître aussi la dépression. Je me souviens de notre petit chien, qui à la naissance de notre fille, lui a fait la fête, bien que très intrigué, perplexe, il ne lui a toujours montré que gentillesse et douceur. Pourtant peu après, son pelage s'est terni, et je l'ai interprété comme une petite déprime de chien, qui a eu peur de perdre un peu de sa place auprès de nous. En revanche, je crois que l'envie leur est inconnue. L'animal peut-il ressentir la haine ? S'il a été maltraité il éprouvera de la peur, de la rancune aussi, et sera dangereux, mais il n'est pas cruel, quand il attaque c'est par nécessité ou crainte, mais il ne créera pas un scénario pour anéantir psychologiquement l'autre, comme l'homme peut le faire quand l'envie le torture. La jalousie est une émotion primaire, innée, alors que l'envie est une construction mentale, assortie du besoin de nuire, rabaisser, faire mal, supprimer, dans le pire des cas.

 

     Si la jalousie et l'amour vont souvent de pair, l'envie et la haine sont des émotions  étroitement liées, et comme l'écrit La Bruyère : "L'Envie et la haine s'unissent toujours et se fortifient l'une l'autre dans le même sujet". Aussi, soyons vigilants de ne jamais devenir un sujet pour ces personnalités toxiques.

 

Lire aussi "L'Envie, une histoire du mal", d'Helmut Schoeck.

Et "Le Plaisir et le Péché : Essai sur l'Envie", de Nicole Jeammet

 

        


 

 

         

           

 

 

 

        

 
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