La Passion

 

          Ce petit récit se déroule sur cinquante années ! Trente ans d'indifférence, et vingt de passion.

 

           Pendant très longtemps, trente ans donc, j'ai côtoyé un objet, l'ordinateur, sans le voir, ou avec agacement, tant il prenait une place prépondérante, finalement, dans notre vie. Prépondérante, parce qu'il était source de revenus, l'informatique étant à ses débuts dans les années soixante, et que mon mari était un pionnier et expert dans ce domaine, agacement parce que ça ne m'intéressait pas. J'assimilais l'informatique aux mathématiques qui étaient ma bête noire : Orientée dès la sixième vers la filière scientifique, à ma grande déception, et sans pouvoir rien y changer jusqu'au bac, à l'époque c'était ainsi, sans passerelle vers la filière littéraire, qui m'aurait ravie. Les mathématiques, pour moi, ont gâché mes études. L'informatique, avec cette consonance en "ique", m'a indisposée dès ses débuts. Aussi, très longtemps, j'ai contourné l'objet, l'ai frôlé parfois, épousseté, souvent !

 

         Les années passant, l'objet en question, la chose, s'imposait de plus en plus, chez nous et dans le monde en général. Mais, à ce moment, dans ces premières années, sauf les informaticiens, le milieu scientifique, personne n'était encore concerné dans son quotidien. Peu à peu tout changera, dans le monde du travail d'abord, où l'ordinateur va remplacer la machine à écrire, et deviendra un outil utilisé par des gens sans connaissance informatique, puis l'entreprise, l'industrie, le commerce, qui l'adopteront de plus en plus, jusqu'à la connexion généralisée, et l'arrivée d'Internet, dans les années 90. Toute cette évolution, je l'ai vécue de très près, au plus près, et comme pour beaucoup de gens, Internet titillait ma curiosité. On parlait  de la toile, de surfer, tous ces mots commençaient à éveiller ma curiosité vers cet espace inconnu, impressionnant, avec son côté un peu effrayant et attirant à la fois.

 

       Pourtant, ma future passion ne sera pas internet.

 

      Comme  j'aime le dessin, au début des années 2000 mon mari me demanda de concevoir des logos et différentes images pour son utilisation personnelle, il me donna un ordinateur avec un logiciel de dessin en 3D, et un énorme livre pour apprendre. Je me souviendrai toujours de ces premiers pas dans l'univers étrange de la machine, de ce livre auquel, en vérité, je ne comprenais rien. Alors j'ai décidé que je prendrai le temps, et comme tout ce que j'ai fait ensuite, j'ai pris le temps, celui de comprendre chaque chapitre, puis de faire et refaire des exercices, et quand j'ai su naviguer sur Internet, je me suis entraînée avec des tutoriaux. Le déclic fut les premiers exercices réussis, après de nombreux échecs, qui m'ont fait découvrir la 3D et qui m'a tellement fascinée qu'elle m'a aidée à surmonter les obstacles. À cette époque il y eut beaucoup de logiciels de dessin, toujours plus performants, et à chaque fois il me fallait les apprendre pour aller plus loin. J'ai ainsi pu créer les images et logos demandés. Ma passion est née de ce petit logiciel du début de mon apprentissage. Je ne suis pas allée au delà dans le domaine de la 3D, j'y reviendrai peut-être un jour, parce que j'ai découvert avec un autre logiciel, le dessin vectoriel que j'ai réussi à maîtriser après des nuits d'études : Un émerveillement. Cet engouement n'a jamais fléchi, a pris corps quand j'ai su l'associer à une autre passion, la photo, au moyen des logiciels de développement et création.

 

      La photographie a toujours accompagné mon enfance, ma famille. Quand eut lieu la grande révolution dans le domaine photographique, avec l'arrivée du numérique, j'avais déjà une bonne connaissance du digital : Travail à l'écran, mais avec la main et le stylet, les brosses, les pinceaux. Tout de suite je me suis sentie chez moi, aussi, comme je l'avais déjà fait avant, pour m'améliorer, j'ai étudié des années durant, chaque chapitre de différents livres, c'est la passion qui était mon moteur. Je connais beaucoup de bons photographes, amateurs ou professionnels, qui n'ont pu dépasser ces transformations de leur environnement de travail, et qui ont abandonné. Le numérique a bouleversé le métier : Reportages, événementiel, etc... Tout le monde pouvant faire de la photo, devenue facile, moins chère, les tarifs ont chuté, le photographe, même s'il a su intégrer les nouvelles techniques, ne peut plus vivre de son travail. Les petites boutiques ferment. La photo artistique, celle qui m'intéresse, est devenue art à part entière. C'est une activité solitaire et pas rémunératrice, elle est une aire de liberté où l'on peut exprimer des émotions et des idées, comme la musique, la peinture, l'écriture. Personnellement, l"appareil a peu d'importance , il est le médium. L'essentiel vient de soi, du vécu, du lu, de l'oeil.

 

      Ces trente années de rejet de l'ordinateur n'ont pas été des années sans passions. Loin de là. Celle qui m'habite depuis toujours est la lecture. Dès la petite enfance les livres ont été mes amis, et la source de mes réalisations futures. L'envie de découvrir le monde, la peur de me retrouver piéger dans un lieu clos, dans une routine, décidèrent de ma vie professionnelle. le voyage est un goût, un mode de vie, plutôt qu'une passion. Ce que j'aimais surtout était le mouvement, la liberté, mais je partais longtemps, c'était le temps des navigants comblés, l'âge d'or du métier. Un avenir plus près des étoiles m'ouvrait les bras, J'avais le choix de continuer à voler, jusqu'au bout, et devenir une vielle hôtesse comme il y en a beaucoup maintenant, mais c'était renoncer à d'autres bonheurs...

 

    La flamme d'une passion brûle doucement, s'entretient, et se défend, parce qu'autour, la solitude et le temps nécessaire à l'accomplissement, heurtent ou agacent : Somme toute, agacée, comme je l'ai été moi-même par cet ordinateur, avant d'en connaître ses secrets. "Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie" écrivit Confucius. Peu de gens peuvent se le permettre, les passions ne sont pas toujours lucratives,  elles sont chronophages, le temps n'existe plus, et la réussite incertaine. En retour, elles ajoutent du bonheur, du sel à la vie.

 


 

 

         

           

 

 

 

        

 
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